Depuis déjà plusieurs années, de nombreux acteurs du milieu du plein air dans les Laurentides travaillent en concertation pour recréer un lien en continu et ainsi être en mesure de skier d’un village à l’autre, comme à la belle époque. À coup de négociations de droits de passage et en empruntant des pistes existantes, l’intention de renaissance des connections intermunicipales est plus forte que jamais, malgré les défis qui guettent sa pérennité.

Il n’y a pas de doute, le ski nordique a la cote et les options de boucles multi-jours avec nuits en refuge se multiplient dans nos parcs régionaux et nationaux. Du côté des sentiers qui traversent des milieux urbains et des noyaux villageois, la fragmentation du territoire est une réalité bien présente pour répondre à la demande immobilière actuelle. Face à cet enjeu de taille, des organismes prennent action pour la préservation des sentiers et de ses accès pour répondre aux besoins des personnes utilisant et occupant du territoire.

Les Routes blanches en projet pilote

Dans le cadre du projet de développement des Routes blanches, la Société de plein air des Pays-d’en-Haut (SOPAIR) s’est dotée d’une expertise terrain en travaillant entre autres avec Jean-Francois Girard, conseiller en développement récréotouristique, afin d’évaluer le potentiel récréotouristique de parcours multi-jours utilisant des sentiers de ski nordique déjà pérennisés durant l’hiver 2022-2023. Une initiative qui s’inscrit dans le vaste projet de pérennisation des sentiers patrimoniaux des Laurentides.

En collaboration avec LOCAPAQ, jeune entreprise québécoise de location d’équipement de plein air et d’excursions sur mesure membre d’Aventure écotourisme Québec, la SOPAIR propose dès cet hiver des circuits guidés pour rendre accessibles les Routes blanches au grand public.

Au total, trois parcours en boucle de 2 à 3 jours sont visés dans deux MRC : Pays-d’en-Haut et Laurentides. Les hébergements historiques et les haltes sélectionnés permettront de découvrir des entreprises locales accessibles directement via les sentiers.

« Puisqu’il y a encore des enjeux de pérennisation pour certains secteurs, les parcours guidés se sont présentés comme la meilleure solution pour développer le projet et valoriser le territoire », explique Marie-France Lajeunesse, directrice générale de la SOPAIR.

Ainsi, pour la saison 2024, il n'y aura pas de carte (ni papier ni web) accessible publiquement. Un projet pilote se tient cet hiver avec des groupes d’étudiantes et d’étudiants en tourisme d’aventure et des membres de clubs de plein air, ainsi que des autres parties prenantes, et permettra de tester les trois secteurs : Ouest (Sainte-Adolphe à Sainte-Agathe), Est (Val-David à Shawbridge) et Nord (Mont-Tremblant).

« Ce que nous avons vécu avec cette première édition des Routes blanches a vraiment le potentiel d’un calibre mondial. Les Laurentides disposent d’un environnement, d’une histoire et d’une hospitalité uniques pour le ski d’un village à l’autre. Nous devons non seulement protéger cet inestimable patrimoine mais aussi le mettre en valeur et le faire connaitre avec fierté. » - Daniel Bergeron, participant à la première édition des Routes blanches qui a été menée par la guide professionnelle Camille Carle, du 19 au 21 janvier.

Un brin d’histoire

Rappelons que le légendaire fondeur Herman Jackrabbit Smith-Johannsen a tracé la Maple Leaf dans les années 1930. Cette piste de près de 120 km qui reliait Labelle à Prévost est tombée en désuétude au fil des ans, en raison du développement urbain. Des routes, des habitations, des municipalités en ont peu à peu effacé des portions importantes.

Mobilisation sur le terrain

Mme Lajeunesse reste optimiste pour la suite : « Malgré toute la pression immobilière, j’ai remarqué au fil de la dernière décennie une réelle mobilisation sur le terrain. Plusieurs organismes et particuliers ont cette volonté de transmission de l’héritage du plein air et notre plan triennal issu de la Politique de protection et d’accessibilité aux sentiers de la MRC a pour priorité la sauvegarde des inter connexions municipales. Il reste clair que la donne a changé au niveau des pratiques et que nous devons aujourd’hui avoir une vision de sentiers multifonctionnels quatre saisons. J’ai espoir qu’à coup de tronçons locaux, nous pouvons gagner du terrain. »

Sur cette lancée, en juin dernier, la MRC des Pays-d’en-Haut annonçait les récipiendaires des subventions du projet Signature Innovation, issu du Fonds régions et ruralité (FRR) du ministère des Affaires municipales et de l'Habitation. Ainsi, elle a remis au total 364 000 $ pour des projets touchant l’aménagement et la pérennité des sentiers, totalisant des investissements totaux de plus de 1,9 M $. De nombreux projets sélectionnés permettront de connecter les sentiers entre eux ou encore au Parc linéaire Le P’tit Train du Nord, un joyau du ski de village en village bien ancré dans l’ADN de la région.

Le saviez-vous?

Les adeptes et novices de la Traversée des Laurentides, qui en est à sa 50^e édition cette année, poursuivent la tradition et empruntent les segments de sentiers patrimoniaux pour parcourir entre 40 et 50 km par jour sur quatre ou huit jours selon le volet choisi.

D’autres projets inspirants

Le Club de plein air de Saint-Donat à Lanaudière est également un bel exemple de cette volonté de créer des parcours multi jours. En effet, la Grande boucle des hauts sommets de Saint-Donat permet aux fondeurs de parcourir près de 80 km.

Ce projet a nécessité l’aménagement de nouveaux sentiers, la construction de refuges et la réhabilitation de sentiers existants afin de réunir des pistes de randonnée pédestre, de raquette et de ski de fond des plus importants sommets de montagne qui ceinturent les deux lacs Archambault et Ouareau. Il est donc possible de se rendre de Saint-Donat à Notre-Dame-de-la-Merci.

« Le défi de pérennisation est constant puisque le sentier traverse des terres publiques que l’on partage avec d’autres utilisateurs comme les érablières par exemple, explique Marie-Andrée Trudeau, présidente de la présidente de la Fondation Héritage Nature et Plein air de Saint-Donat. Nous vivons aussi l’enjeu de la négociation des droits de passage sur les terres privées. »

La boucle connecte également avec le Réseau Inter-Centre, un sentier pour le ski nordique qui s’étend sur une distance de 26,7 km, de Saint-Donat à Lac-Supérieur. En plus d’enchainer la possibilité de rejoindre trois sommets parmi les plus hauts de la région, les montagnes Noire, Blanche et Grise, on n’y croise aucune route ni résidence. Par Lac-Supérieur, on peut ensuite rejoindre la Grand boucle de Tremblant qui vise la réalisation d’un sentier quatre saisons d’une longueur de 80 km pour pratiquer des activités non-motorisées.

On ne peut passer sous silence le Sentier national au Québec, le plus long sentier en milieu naturel de la province dédié à la randonnée pédestre, à la raquette et au ski nordique, dont la coordination nationale est assurée par Rando Québec. D’une longueur de 1 650 km, il traverse neuf régions touristiques de Gatineau à Gaspé : l’Outaouais, les Laurentides, Lanaudière, la Mauricie, Québec, Charlevoix, la Côte-Nord, le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie.

Bientôt classé dans la catégorie « Grande Randonnée d’Aventure », il représente un immense potentiel touristique, comparable à celui des sentiers renommés comme le Pacific Crest Trail aux États-Unis ou le mythique GR20 en Corse. Loisir et Sport Lanaudière travaille d’ailleurs à créer des connexions entre le SNQ et les villages.

En parallèle des nombreux défis qui menacent la pérennité des réseaux, toutes ces initiatives sont autant de preuves que les organismes, les MRC, les municipalités et les communautés de plein air réalisent plus que jamais l’importance d’investir pour le futur.