De nature inclusive
Publié le 28 octobre 2022
Par Natalie Schneider
Inclusion : le mot est à la mode, même dans le milieu du plein air, et c’est tant mieux. Développer l’accessibilité du terrain de jeu auprès de tous est dans l’air du temps au Québec. Désormais, on voit émerger, en pleine nature, des clientèles ciblées qu’on ne voyait pas il y a une dizaine d’années encore. Et ce n’est qu’un début.
La conquête des femmes
Vélo de montagne, ski hors-piste, eau vive ou escalade : désormais, les femmes se lancent en grand nombre dans des sports jusque-là plutôt «réservés» aux hommes. La preuve : ces clubs et ces rassemblements 100% féminins abondent aujourd’hui au Québec. Comme les Poules qui roulent, ce regroupement qui annonce sur ses réseaux sociaux des sorties encadrées par des coachs bénévoles à l’attention des femmes de tous âges. Ou encore, Les Vielles Po, le club qui rassemble à chaque sortie de ski de poudreuse près de 300 femmes à Bromont ou à Tremblant, par exemple. «Nous, les femmes, avons tendance à nous comparer les unes aux autres, dit Édith Viens, cofondatrice des Vieilles Po. Quand on voit qu’une autre réussit, ça nous encourage. Avec les hommes, c’est différent. On se dit : il est plus fort que moi, je n’y arriverai pas.»
Certes, s’initier à une activité qui comporte une bonne dose d’adrénaline peut s’avérer un peu intimidant pour celles qui se retrouvent dans un groupe mixte. Entre femmes, l’esprit de compétition est moindre et la solidarité est souvent au rendez-vous.
Certaines activités sont tellement étiquetées «masculines» que les femmes sont encore assez minoritaires, comme dans les activités d’eau vive : canot, kayak, rafting, luge d’eau. «Nous voulons démocratiser les activités nautiques et montrer qu’avec les bonnes compétences, ces activités ne sont pas des sports extrêmes et peuvent être pratiquées largement, explique Shéril Gravel, fondatrice de la communauté féminine Pink Water.
Les jeunes filles ciblées
Cette volonté de faire rayonner la participation des femmes en plein air commence d’ailleurs dès l’adolescence, période durant laquelle les filles sont nombreuses à abandonner l’activité physique. Qu’on pense à l’organisme Fillactive, dont le mandat consiste à encourager la pratique de l’activité auprès des jeunes filles, notamment via des modèles inspirants. «L’inspiration peut venir d’un professeur de français ou d’histoire, par exemple, soutient Geneviève Leduc, conseillère principale chez Fillactive. Car, soyons clairs : 9 filles sur 10 n’atteignent pas les recommandations de s’activer 60 minutes par jour.» En outre, la plateforme interactive de Fillactive propose des programmes d’entraînement adapté ainsi que de l’information sur l’alimentation. Des initiatives plus que jamais nécessaires après deux ans durant lesquels la pratique du sport a été passablement mise à mal par la pandémie.
Des loisirs tous publics
Autre public en émergence : les personnes à mobilité réduite qui, généralement, n’ont que très peu accès au plein air. Quelques projets inspirants commencent à se profiler, notamment dans certains parcs nationaux du Québec (Oka, Aiguebelle) ou du Canada (Mauricie, Forillon). Si les débuts sont timides, ils sont néanmoins prometteurs : «Notre objectif est de promouvoir l’accessibilité au plus grand nombre, explique Alexandra Gilbert, directrice générale adjointe de l’Association québécoise pour le loisir des personnes handicapées. Nous offrons un service conseil aux gestionnaires qui veulent développer des espaces de pratique adaptés ou de la formation spécifique auprès des employés.» Des journées d’initiation au plein air pour personnes handicapées (physiques ou mentales) sont aussi offertes «pour aider les gestionnaires de site à apprivoiser cette approche», ajoute madame Gilbert.
Une approche défendue aussi par Rando Québec, qui veut même en faire l’un des axes de son plan stratégique si l’on en croit Grégory Flayol, directeur général adjoint de Rando Québec : «Cela concerne toutes les situations de handicap : les personnes à mobilité réduite, mais aussi celles qui souffrent de problèmes de santé mentale, de surdité ou de cécité, qui restent très peu représentées dans le milieu de la randonnée».
Des équipements inclusifs
Cette tendance à démocratiser le plein air auprès de cette clientèle est d’ailleurs largement soutenue par l’innovation technologique avec des appareillages adaptés, comme la Joëlette, née en France, ou le Trackz Mobilty, un prototype dessiné au Québec. Si le premier est un fauteuil muni de quatre manches manipulés par deux personnes qui le guident sur sentier, le second, quant à lui, permet à une personne vivant avec un handicap moteur de se mouvoir elle-même sur toutes sortes de terrain, même sinueux. Le secret : des roues de vélo de montagne, une double-suspension et une roue avant pour orienter la direction. Mieux encore : cet équipement peut être muni de planche de ski de fond ou, encore, d’un rack arrière pour y loger son fauteuil roulant. L’organisme spécialisé Kéroul, en partenariat avec l’Association québécoise pour le loisir des personnes handicapées a produit le Guide Plein air pour tous, en 2019. Celui-ci fait la promotion de pratiques inspirantes et de dispositifs adaptés à la circulation en plein air, notamment un tapis de plage permettant l’accès aux fauteuils roulants. «La Sépaq a démontré un intérêt à l’égard de ce guide, dit Alexandra Gilbert, nous savons qu’il y a un projet en cours au parc national d’Oka.»
Découvrir son nouveau pays par le plein air
L’accès à la nature sauvage du Québec – et à ses hivers rigoureux – peut être intimidant pour les nouveaux arrivants. Raison pour laquelle plusieurs organismes d’accueil les invitent à participer à une journée d’initiation en plein air. Manière de découvrir l’arrière-cour de leur pays d’accueil et de rencontrer d’autres immigrants ou demandeurs d’asile avec lesquelles ils partagent une trajectoire de vie. «Marcher ou pagayer ensemble, ça crée un rapprochement interculturel et des ponts avec la société d’accueil, dit Adrienne Blattel, maître d’œuvre d’évènements de plein air, organisés dans le cadre du programme Plein air Interculturel. Ça permet aussi de se faire des amis avec des gens qu’on n’aurait jamais rencontrés autrement.» Reste que, sur les quelques dizaines de milliers de nouveaux-arrivants, ce programme ne rejoint qu’un millier de personnes chaque année.
Mais d’autres initiatives, centrées sur le milieu scolaire, voient également le jour au Québec depuis quelques années. Comme l’évènement Connexion N, mis en place par la SNAP Québec en partenariat avec la Sépaq, la Fondation Monique Fitz-Back, l’Association des Camps du Québec et l’entreprise Mountain Equipment Coop. Durant une fin de semaine, des jeunes du Secondaire en classe d’immersion passent la nuit sous la tente et pratiquent randonnée, canot, et autres activités offertes dans le parc national du Mont-Tremblant. En plus de socialiser entre eux, cette expérience les amène à découvrir la beauté naturelle de leur pays d’accueil et à s’initier à de nouvelles activités remplies d’enseignement.