Canyonisme, promenons-nous dans l’eau vive
Publié le 14 May 2025
Par Fabienne Macé

Ce n’est ni une nouvelle activité, ni un sport extrême, plutôt un distrayant mélange exploratif de plusieurs disciplines de plein air, à intensité variable! Peu connu du grand public, mais pratiqué par quelques féru·e·s depuis plus de trente ans au Québec, le canyonisme tend à gagner en popularité auprès des pleinairistes et tout particulièrement depuis son rattachement à la fédération Spéléo Québec. Une aubaine qui permet de le faire découvrir au plus grand nombre et d’encadrer sa pratique pour le bien des sites et de la communauté de canyonistes. Nous avons rencontré chez Spéléo Québec Alexandre Persechino-Morin, agent de développement et Guillaume Lamarre, directeur général, pour en savoir davantage sur le canyonisme et espérons-le, vous donner l’eau à la bouche pour cet été.

Balade aquatique sur roche
Aussi appelé canyoning, le canyonisme est une activité en nature où l’on alterne la nage en eau vive, la randonnée et l’escalade, ou plus exactement la désescalade – escalade en progression descendante et non ascendante. Comme son nom le laisse deviner, le canyonisme vous invite au creux d’un canyon et consiste à en descendre son cours d’eau, souvent sur corde; l’idée étant d’aller avec le courant - et non de remonter à contre-courant. Forgés par des milliers d’années de ruissèlement, les parcours sont uniques et offrent une grande variété de difficultés : de la nage, des sauts, des rappels, de la marche ou encore longer une paroi dans le style via ferrata - voie équipée de marches ou passerelles ancrées dans une paroi rocheuse et d’une ligne de vie à laquelle les ascensionnistes s’assurent durant leur progression. « C'est assez sportif, avec un côté aventure! », explique Alexandre. Mais, la descente d'une rivière accidentée peut prendre diverses tournures, comme le précise Guillaume : « se laisser bercer au fil de l’eau, sans effort ou bien se débattre dans un puissant débit d’eau et là, ça demande une certaine endurance et des efforts physiques ».
On parle ici de nage en rivière ou torrent. Sachez cependant que le canyonisme peut se pratiquer en canyons secs dans les milieux arides, mais au Québec, ils ne sont pas encore exploités... « peut-être un jour », espère Guillaume! Voilà pourquoi, quand on parle de canyonisme dans notre province, ça évoque souvent une randonnée aquatique.
Plutôt escalade, spéléologie ou via ferrata?
Le canyonisme est un mélange des trois et plus encore, pourtant selon la jolie formule de Guillaume : « on pourrait dire qu’on est plus proche de la spéléologie à ciel ouvert! », sachant que la spéléologie est en fait l’exploration de réseaux souterrains. « Et c'est pour cette raison que l’activité a été rattachée à notre fédération Spéléo Québec », ajoute-il puis de préciser que « la différence fondamentale entre les deux, c'est qu'en escalade, on progresse généralement de bas en haut alors qu'en spéléo, et en canyonisme, c’est l’inverse : on part du haut vers le bas ». Cependant, le point commun avec la via ferrata, ce sont les mains courantes sur lesquelles on se longe pour traverser certaines zones exposées.

S’initier, facile ou pas?
Bonne nouvelle, commencer le canyonisme sans avoir jamais fait d'escalade, ni de spéléologie, c’est possible! Au Québec, il existe des sites bien adaptés aux néophytes avec des parcours à la fois simples et magnifiques, parfaits pour débuter: « tout à fait horizontaux, avec juste un peu de nage, juste un peu d'escalade ou désescalade », confirme Guillaume, donc facilement accessibles aux familles et aux novices.
En Gaspésie notamment, l’Auberge Griffon Aventure propose une sortie près de Gaspé qui ne nécessite aucune technique de progression verticale, ni rappel ni autre. Imaginez un parc aquatique en pleine nature, jonchés de glissades sur des roches lisses et de petites cascades peu élevées. Laissez-vous flotter tranquillement, sautez dans des fosses vert émeraude et admirez le magnifique canyon. Côté Chic-Chocs, Eskamer offre trois forfaits, du familial « fun et contemplatif » au « safari aventure » en eau vive avec cascades de vingt mètres et tyroliennes de quarante-cinq mètres au cœur des montagnes!
En ce qui concerne la partie randonnée - que l’on parle de marches d’approche pour atteindre le point de départ du canyon, ou de celles qui relient les obstacles ou les bassins - elles sont très variables et peuvent parfois prendre l’allure d’expédition. Mais rendez-vous au Parc régional de la Chute-à-Bull à Saint-Côme, et vous n’aurez que quelques cinquante ou cent mètres à parcourir à pied entre les épreuves, histoire de consacrer votre énergie aux passages rocheux, aux sauts et à la baignade! Spéléo Québec offre annuellement quelques sorties d’initiation à la Chute-à-Bull pour les intéressés qui désirent entamer le parcours de pratiquant.es autonomes.
En cas de piqure pour le canyonisme, un cursus de formations vous attend chez Spéléo Québec et quelques entreprises privées.

Changement de décor, changement d’effort
Dans Charlevoix, autre région de prédilection du canyonisme, Canyoning Québec et Katabatik vous emmène dans des canyons, d'origine calcaire bien encastrés aux piscines turquoises et ruisseaux moussus. Optez pour le Canyon du Massif pour vivre une excursion d’adrénaline en eau froide. Tandis que dans la région de la Capitale-Nationale, la Vallée du Bras-du-Nord offre des descentes en cascade au milieu de falaises et d’une vallée magnifique; c’est ici que Vertaco propose des « parcours bien arrosés à flanc de montagne » dont celui de la Cascade des Falaises qui est destiné aux adeptes des hauteurs, expérimenté·e·s en rappel, avec trois à quatre heures de randonnée suivies de neuf descentes en rappel panoramiques.
Un incontournable est le site spectaculaire des Chutes Jean-Larose, premier site de canyonisme développé au Québec, où Canyoning Québec offre des descentes de deux cascades verticales de plus de dix mètres sous la supervision de guides professionnels.

Pour un tour d’horizon plus complet, visitez le site d’Aventure Écotourisme Québec qui répertorie les entreprises membres certifiées ou consultez la carte interactive de Spéléo Québec qui permet de sélectionner les sites par critères. Notez au passage que le canyonisme étant en plein essor, de gros efforts sont en cours pour développer le réseau des sites de pratique, explorer les territoires propices et selon les négociations, ouvrir de nouveaux sites de pratique.
Nature insoupçonnée
Longer un canyon au creux de sa rivière offre une nouvelle perspective sur la nature et ouvre la porte à l’exploration de lieux merveilleux inaccessibles autrement. Guillaume nous confie l’une des raisons qui font du canyonisme une activité de choix pour les amoureux et amoureuses d’espace vierge : « C'est vraiment un contact avec la nature qui donne un accès privilégié à des paysages bucoliques, très naturels, très beaux. Par exemple, dans la Zec des Martres, les randonneurs et randonneuses arrivent au pied d’une chute d’une quinzaine de mètres et s’émerveillent d'en apercevoir d'autres en arrière. Alors qu’en descendant par la rivière Sainte-Anne, le parcours traverse bien plus de cascades et offre une vue complètement différente seulement visible par les canyonistes. La même chose se passe à la vallée du Bras-du-Nord. »

Encore besoin de quelques arguments pour ouvrir votre appétit d’aventures aquatiques? « C'est fantastique d'aller jouer dans l'eau quand il fait chaud, surtout avec nos changements climatiques », lance Guillaume. En plus d’être rafraîchissant, le canyonisme présente un bel équilibre entre activité physique et divertissement. Voyons-le comme l’ancêtre des parcs aquatiques où chaque tempérament y trouve son défi ou son plaisir, mais dans un environnement brut et spectaculaire en connexion directe avec la nature.
L’eau, de l’eau, toujours de l’eau
Le Québec, on ne le sait que trop bien, est non seulement sillonné de rivières mais aussi sujet aux fortes pluies et fontes des neiges. Par conséquent, l’enjeu ici pour la pratique du canyonisme ne serait pas le manque d’eau mais trop d‘eau. Plus le débit est puissant, plus le niveau de difficulté grimpe de façon significative jusqu’à ce que le parcours devienne impraticable. De façon générale, la saison de canyonisme s’étend de mai à octobre, mais bien sûr, en bons québécois, certains tirent profit de nos hivers rigoureux, comme nous le raconte Guillaume : « Il y a des gens, aux Chutes Jean Larose, près de St-Ferrol-les-Neiges, qui ont développé le canyonisme hivernal! » dont l’objectif est de descendre la grande cascade de quarante et un mètres en mode excursion guidée de désescalade de glace.

Fédérer ses adeptes
Les 21 juin et 23 août 2025, deux journées d’évènement canyonisme sont organisées par Spéléo Quebec pour permettre à la communauté de canyonistes et ceux et celles qui gravitent autour - gens d’escalade et de spéléologie - de se rassembler, réseauter et faire connaissance entre pratiquants et pratiquantes autonomes. Pour sortir le canyonisme de sa niche, la fédération est en réflexion sur un logo qui l’inclurait, et prépare une application dédiée au canyonisme et à la spéléologie en coopération avec Rando Québec sur le modèle de Balise* avec carte interactive et fonctionnalités spécifiques. En valorisant le réseau et les sites de pratique, l’équipe de la fédération espère ainsi engager les pleinairistes de tous horizons à découvrir le canyonisme et la spéléo au Québec.
Bons souliers et costume de bain
La plupart des compagnies qui proposent du canyonisme encadré fournissent casques, combinaisons et chaussons de néoprène, ainsi que l’équipement d’escalade si nécessaire. Par contre, pour patauger dans l’eau, prévoyez des chaussures de randonnée qui sèchent facilement et adhèrent bien.
Si toutefois vous souhaitez vous équiper, comme pour toute autre activité de plein air, vous trouverez un éventail bien tentant mais parfois couteux, de bottes spécialisées et d’habits en néoprène d’épaisseurs variées. La rumeur dit que 3mm serait bien adapté pour nos régions et en deux morceaux de préférence car les genoux et les fesses s’usent plus vite! Article non négociable : les chaussons de néoprène pour garder vos orteils au chaud!

Côté matériel technique de base : comptez minimalement le casque, le harnais avec longe double - similaires à celles de spéléo - et un descendeur - similaire à celui en 8 d’escalade mais dans une version adaptée au canyonisme. Ajoutez les cordes, amarrages et autres que vous pourriez partager avec vos partenaires d’escapade.
Pour en savoir plus sur l’équipement recommandé lors d’une sortie en canyonisme, vous pouvez consultez le Guide de pratique et d’encadrement du canyonisme.
Alors dès cet été, libérez votre âme de pionniers et pionnières et partez en exploration dans les canyons du Québec. Spéléo Québec vous attend pour jouer dans l’eau. Et grand bonheur, l’immense potentiel de la province reste à explorer!
Pour leur collaboration : merci à Alexandra Descheneaux, responsable des communications et du marketing, Alexandre Persechino-Morin, agent de développement et Guillaume Lamarre , directeur général de Spéléo Québec.
* Balise : outil de recherche développé par Rando Québec qui compile toutes les infos sur les sentiers pédestres et leur accessibilité.